« En France, les chutes de hauteur sont la deuxième cause de mortalité au travail et la troisième cause d’incapacité permanente et d’arrêts de travail.
Pour le seul secteur du BTP, le travail en hauteur est la principale cause d’accidents du travail. En 2009, les chutes de hauteur ont été la cause directe de la mort de 49 salariés (soit 35% des accidents du travail mortels du BTP ou 1 décès par semaine) 1.»
L’origine des chutes de hauteur dans le BTP :
- le travail sur un échafaudage, sur une plate-forme sans garde-corps ou sans harnais de sécurité correctement attaché,
- le travail sur des toits fragiles, sur des échelles mal entretenues, mal placées et/ou mal fixées,
- les chutes d’échelles lors de leur utilisation en tant que poste de travail 2.
Qui est concerné ?
Les chutes de hauteur peuvent survenir depuis des toitures, terrasses de bâtiments, moyens d’accès à des zones en hauteur (échelle, passerelle etc) ou encore pylônes.
Tous les établissements sont concernés :
- les établissements industriels, commerciaux ou agricoles et leurs dépendances,
- les offices publics ou ministériels,
- les professions libérales,
- les sociétés civiles,
- les syndicats professionnels,
- les associations et groupements de quelque nature que ce soit,
- les établissements publics à caractère industriel et commercial,
- les établissements publics déterminés par décret qui assurent tout à la fois une mission de service public à caractère administratif, industriel et commercial,
- les ateliers des établissements publics dispensant un enseignement technique ou professionnel.
Quelles sont les réglementations ?
La prévention des risques résultant des travaux en hauteur est à l’origine traitée dans le Code du travail ainsi que le Décret N° 65-48 du 8 janvier 1965.
- Le Code du travail définit notamment les dispositifs qui s’imposent au chef d’établissement au niveau de l’aménagement des lieux de travail mais également les dispositions applicables au maître d’ouvrage dont celles de l’article R.235-3-20 et surtout de l’article R.235-5 qui crée l’obligation de prévoir un dossier de maintenance des lieux de travail.
- Le Décret N°65-48 du 8 janvier 1965, relatif aux mesures particulières de protection et de salubrité applicables aux établissements dont le personnel exécute des travaux de bâtiment, des travaux publics et tous autres travaux concernant les immeubles, quant à lui propose un certain nombre de préconisations pour lutter contre les risques de chutes de hauteur.
- Le Décret n°2004-924 du 1er septembre 2004 modifiant le code du travail, induit un nouveau cadre réglementaire. Il transpose la directive 2001/45/CE du 27 juin 2011 et il est l’occasion de réviser et de moderniser le décret N°65-48 du 8 janvier 1965. Ainsi les deux grands changements prévus par ce décret sont :
- la mise en place de protection contre les chutes de hauteur quelle que soit la hauteur et non plus à partir de 3 m comme notifié dans le décret N°65-48 du 8 janvier 1965.
- la mise en place des dispositifs contre les chutes de hauteur à tous les secteurs d’activité soumis au Code du travail et non plus au seul secteur du BTP.
En somme, il modifie et actualise le décret de 1965 en rappelant les obligations des maîtres d’œuvres et chefs d’établissements en matière de sécurité du personnel et personnes intervenantes.
Conformément à l’article L 230.2 du code du travail, le chef d’entreprise ou le maître d’ouvrage doit privilégier les mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle. Cette exigence est précisée dans le Décret du 1ere septembre 2004 : « La prévention des chutes de hauteur est assurée en premier lieu par des garde-corps intégrés ou fixés de manière sûre, rigides et d’une résistance appropriée ».
Qui est responsable ?
Dès la conception d’un ouvrage une obligation générale d’organisation et de coordination de la prévention s’applique au maître d’ouvrage et à l’ensemble des intervenants : maîtres d’oeuvre, coordinateurs, entreprises, y compris travailleurs indépendants et sous-traitants.
Obligations du chef d’établissement
Le chef d’établissement qui est responsable de la sécurité et de la santé des salariés a de nombreuses obligations en matière de protection contre les chutes de hauteur. Ces obligations sont énoncées l’article L.4121-2 du Code du travail dont voici la liste
- éviter les risques,
- évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités,
- combattre les risques à la source,
- adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé,
- tenir compte de l’état d’évolution de la technique,
- remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux,
- planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1,
- prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle,
- Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Obligations du maître d’ouvrage
Le maître d’ouvrage est responsable de la sécurité des bâtiments et ce avant, pendant et après sa construction.
La loi N° 93-1418 du 31 décembre 1993 définit plus précisément les obligations du maître d’ouvrage et notamment l’obligation de respecter les principes généraux de prévention et ce dès la conception du bâtiment.
Le maître d’ouvrage doit constituer « le dossier d’intervention ultérieure sur l’ouvrage (DIUO)», ce dernier est définit l’article R.238-37 du code du travail. Ce dossier permet de rassembler toutes les données pour faciliter la prévention des risques de chutes de hauteur lors des opérations de maintenance et d’entretien. Pour les bâtiments destinés à accueillir des lieux de travail le dossier de maintenance prévu à l’article R.235-5 est intégré au DIUO lorsque celui-ci s’impose.
Il doit également désigner un coordinateur sécurité et protection de la santé (SPS) dès que le chantier implique plus d’une entreprise et ce avant même la phase d’élaboration du projet.
Quelles sanctions ?
La responsabilité pénale pour tous
Le droit pénal prévoit des sanctions générales dans le cas de :
- mise en danger délibérée de la personne d’autrui,
- faute d’imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement.
Quelques exemples de sanctions pénales :
- causer à autrui une incapacité de travail pendant plus trois mois peut être sanctionné de deux ans d’emprisonnement et 30000 € d’amende (Article 222-19),
- causer la mort d’autrui (homicide involontaire) peut être puni de trois ans d’emprisonnement et 45000 € d’amende. 4
Le droit de retrait et d’alerte du salarié
Un droit d’alerte et de retrait existe au bénéfice du salarié qui a un motif raisonnable de penser que la situation dans laquelle il se trouve présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé (loi n°82-1097 du 23/12/82 insérée dans le Code du travail aux articles L.4131-1 et suivants).
L’employeur ou le maître d’ouvrage ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent (art. L 4131-1 al. 2ème du Code du travail) et ne peut le sanctionner. 5
L’injonction
Selon la jurisprudence, une entreprise ne respectant pas les mesures d’hygiène et de sécurité prévues par le code du travail peut se voir obliger à prendre les mesures nécessaires afin de rétablir des conditions normales d’hygiène et de sécurité
L’arrêt de chantier
En cas d’absence ou de défaut de mise en œuvre de mesures de protection contre les chutes de hauteur, un chantier peut être arrêté partiellement ou totalement par l’Inspecteur du travail (article L.4731-1). 6
Faute inexcusable
La notion de faute inexcusable a été définie par la jurisprudence dans un arrêt du 16 juillet 1941: “la faute inexcusable s’entend d’une faute d’une gravité exceptionnelle dérivant d’un acte ou d’une omission volontaire, de la conscience du danger que devait en avoir son auteur, de l’absence de toute cause significative mais ne comportant pas d’élément intentionnel. 7 ” Ainsi le maître d’ouvrage ou employeur pourra se voir sanctionner si la notion de faute inexcusable est retenue (par exemple si la mise en place d’une protection collective n’a pas été effectuée alors qu’il était techniquement possible de le faire).
Quel équipement mettre en place
Comme précisé dans le Code du travail et le Décret du 1ere septembre 2004 la protection collective doit être privilégiée à la protection individuelle.
Il est obligatoire de mettre en place des éléments de sécurité type garde-corps sûrs et résistants, ceux-ci doivent répondre à la norme française NF E85-015 ou européenne EN ISO 14122-3.
Rappels de la norme :
- un garde-corps doit être installé dès que la hauteur de chute possible est supérieure à 500 mm,
- la hauteur de la lisse du garde-corps doit être comprise entre 1000 mm et 1100 mm au-dessus de la surface de circulation,
- l’espace libre entre la lisse et la sous-lisse, ainsi qu’entre la sous-lisse et la plinthe doit être inférieur ou égal à 500 mm.
- une plinthe d’une hauteur de 100 mm minimum doit être installée à 10 mm maximum du niveau de déambulation et du bord de la plate-forme,
- il convient que la distance entre les axes des montants soit limitée à 1500 mm maxi,
- si la lisse est interrompue, l’espace libre entre deux segments de la main-courante doit être compris entre 75 mm et 120 mm. S’il existe une ouverture plus grande, un portillon permettant d’assurer la continuité de la sécurité anti¬chute du garde-corps doit être mis en place.
- Si la mise en place de protections permanentes ne peut se faire pour des raisons techniques, des protections temporaires peuvent être utilisées, si ces dernières ne peuvent être mises en place pour les même raisons, il faut alors prévoir des équipements de protection individuelle. Ci-dessous un schéma récapitulatif du choix de type de protections.
Ou mettre en place les équipements ?
Les équipements de protection contre les chutes de hauteur doivent évidemment être installés dès lors qu’un risque de chute est possible.
Le Décret de septembre 2004 se focalise sur le pourtour des terrasses des bâtiments. Il ne faut cependant pas oublier les ouvertures existantes telles que voûtes ou lanterneaux. En effet, ces ouvertures constituent un réel risque de chute et sont soumis aux mêmes principes généraux de prévention.